dimanche 10 février 2013

    Foutage de gueule ultime : Django Unchained et le communautarisme.

    Pour cette fois-ci, la critique ne concernera pas le film en lui-même puisque Django Unchained offre aux spectateurs un honnête divertissement. Certes il ne s'agit pas du chef-d’œuvre du siècle, mais après une année de films de merde encensés de manière exagérée par la presse, voir une série B décomplexée qui n’en oublie pas de placer dans la ligne de mire de ses exigences les plaisirs multiples du dialogue et de l’écriture avant de discuter avec les colts, ça donne le moral ! Quentin Tarantino cisèle avec un soin d'orfèvre ses répliques, obsédé par la musicalité des mots au point d’inviter l’Allemand et un peu de Français dans sa narration.

    Dessin de JorisLaquittant

    Les ennuis du film proviennent me semble-t-il d'une série de mauvaises interprétations des intentions de Tarantino. Ainsi, Spike Lee, un réalisateur engagé sur la cause des Afro-Américains, se pose en détracteur outré, choqué par l’utilisation d’un contexte historique et du maniement du mot « nigger ». Et tant pis si le film bonnis par ses malédictions semble fédérer les spectateurs. Le fait que Spike Lee appartienne à la communauté Afro-Américaine lui donne t-il forcément le pouvoir de condamner de façon péremptoire le travail de Tarantino ? La lecture d’une œuvre par son biais communautaire comme unique critère de jugement est-elle recevable ? Dans cette optique, nombreux sont ceux qui accusent Tarantino de « racisme » ou de complaisance dans la violence. Toutes ces allégations me paraissent infondées, inspirées par une grille de lecture critique étroite en porte à faux avec le véritable contenu de cette série B de haute tenue.

    Quentin Tarantino choisit le cadre de l’esclavagisme dans les états du Sud car ces sombres événements lui donnent l’occasion de s’adonner à deux genres en une seule histoire, manipulation formelle déjà à l'œuvre tout au long de sa filmographie. En le formulant de manière plus correcte, la sélection de l’époque lui a été probablement dictée par ses envies de cinéma. Dans Django Unchained il exhume le Western Spaghetti[1] et la Blaxploitation et tout comme les westerns ritals situaient leurs scénarios les plus gauchistes durant la révolution mexicaine, Tarantino utilise un schéma similaire pour traiter son sujet. Analysons un peu plus en détail les genres[2].
    Le premier "Django" de Sergio Corbucci.

    Western Spaghetti : contrairement à de nombreux westerns de l’âge d’or américain, Tarantino concentre sa narration sur un chasseur de prime : le docteur King Schultz (Christoph Waltz). Hors, l’archétype du chasseur de prime n’a que peu été prisé par le western américain. Pratiquant la justice expéditive, ces sinistres personnages nuisent à la mythologie des westerns classiques qui lui ont préféré les figures du bandit repentant et du shérif. Si John Ford a parfois dépeint la face sombre de la conquête de l’ouest, il a toujours conservé une touche de déférence pour le mythe du Pionner [3]. 

    Chez les Italiens cette révérence pour les origines de l’Amérique n’existe pas. Ils n’ont pas hésité à salir le western, à le rouler dans la boue. Le cadre historique sert de prétexte pour explorer des narrations singulières, aussi le western se métamorphose-t-il en tragédies antiques, en histoire relevant du fantastique gothique ou lorgnant sur le manifeste politique dans le sous-genre nommé ironiquement Western Zapata. C'est donc ce Chacal des grandes plaines de l’ouest, le chasseur de prime qui sera choisi comme personnage emblématique pour désacraliser de façon iconoclaste le stéréotype du cowboy, le replaçant dans un contexte brutal et paradoxalement bien plus proche de la vérité que les anciens westerns à la John Wayne.

    Django Unchained s’inscrit dans cette tradition, mais signalons qu’à l’inverse de ce que supposent nombre de ses détracteurs, Tarantino ne se réfère nullement au maniérisme de Sergio Leone, géant rapidement adoubé par les défenseurs du bon goût [4]. Tarantino exhume des cinéastes dans les franges les plus méconnues du western à l'italienne, naviguant entre exploitation pure et expérimentation tous azimuts pour donner naissance au meilleur de la série B. Il préfère au maestro la mise en scène brut de décoffrage de Sergio Corbucci à qui l’on doit le premier opus de « Django » ainsi qu’un des chefs-d'œuvre du genre, le Grand Silence . Un film glaçant dans tout les sens du terme qui revient sur une des pires pages de l’histoire des États-Unis en contant le massacre de toute une ville par des chasseurs de prime menés par un Klaus Kinski psychopathe.


    Quentin Tarantino suit donc les codes du Western Zapata dans lequel un étranger (ici le chasseur de prime Schultz) prend sous son aile un pauvre péon mexicain (ici l’esclave « Django ») pour lui enseigner les rudiments de la révolution. Souvent, les intérêts des protagonistes ne se rejoignent pas et le péon doit faire face à son mentor pour le tuer. Dans Le Dernier Face à Face de Sergio Solima, un enseignant (Gian Maria Volonté) est pris en otage par un bandit (Tomas Milian) se battant pour la cause des péons. Chemin faisant les deux hommes sympathisent. Très vite l’enseignant prend goût à cette vie et s’il aide volontiers les rebelles aux débuts, ses appétits augmentent. L’homme timoré que la violence du bandit terrifiait fait place à un général assoiffé de sang et de sadisme. Tarantino ne cite pas ce film précis, mais le duo Schultz/Django use de cette dichotomie. 

    Une partie des citations filmique me paraissent provenir de Lucio Fulci dont Tarantino partage la fascination pour la violence expressionniste et les ambiances poisseuses. Plus connu pour ses films de zombies, Fulci a œuvré dans tous les genres du cinéma italien. Les westerns de l’époque lui procurent un terrain d’expérimentation pour visualiser des cauchemars. Son western Le Temps du Massacre comporte quelques scènes typiques de son approche frontale du malsain : le fils dégénéré d’un riche propriétaire foncier dont la démarche de zombie exagère l’aura maléfique s’amuse à jeter des paysans en pâture à ses chiens, manipule son père et enfin parvient à vaincre une première fois le héros, nous offrant une longue séquence de quinze minutes de sadisme gratuit durant lequel notre cowboy sera fouetté à mort lors d’une réception mondaine. Django Unchained reprend ainsi certains de ces passages clés en les réinterprétant. Entre Sergio Corbucci et Lucio Fulci, Tarantino va chercher ses références dans le bis craspec plutôt que chez le plus acceptable Sergio Leone.
    Depuis quelques lignes déjà j’écris « Django » entre guillemets. Il y a une explication assez simple, et qui porte un autre regard sur la signification du titre du dernier Tarantino. Succès-surprise, le premier Django de Sergio Corbucci, a poussé les producteurs italiens à inscrire leurs créations en cours dans l’ornière de ce film. Sans logique le nom de Django a été apposé à toute une pelleté de pellicules n’ayant que peu ou pas de rapport avec le Django premier du nom. Le western gothique Tire encore si tu peux de Giulio Questi [5] est aussi connu sous le nom de Django tire encore si tu peux sans que Django (Franco Nero) n’y apparaisse. On peut encore citer : Quelques dollars pour Django ; Django tire le premier ; Django prépare ton cercueil ; Django le justicier ; Poker d’as pour Django ; Le retour de Django ; Avec Django la mort est là ; Django porte sa croix ; Django prépare ton Cercueil ; Avec Django ça va saigner ; etc.… 

    Ainsi le nom de Django est-il un autre synonyme pour « l’homme sans nom » de Sergio Leone. Au fond Django est presque une fonction, c’est l’homme qui apporte la violence. Le « Django » incarné par Jamie Foxx n’est rien d’autre qu’une nouvelle matérialisation de cet esprit vengeur dont nous ne connaîtrons jamais le véritable nom… Pas un hasard si Quentin Tarantino a choisi ce titre pour son film et comme patronyme pour son héros. En procédant de cette manière il s’inscrit dans la droite ligne de la mythologie héritée du western italien.

     
    Blaxploitation : Dans le petit monde de la blaxploitation qui, il me paraît nécessaire de le rappeler a été principalement créé par les américains d'ascendance WASP pur jus à des fins bassement mercantiles, c'est-à-dire s’attirer les faveurs du public noir, les héros sont noirs. Les blancs sont cantonnés au rôle de sous-fifre ou de pourris ultime. Le mot « Nigger » fuse dans toutes les phrases. Le plus célèbre des films de Blaxploitation, Shaft de Gordon Parks voit son protagoniste éponyme aider une police impuissante à enrayer les cartels de la drogue. Shaft arrive à ses fins non sans oublier de coucher avec une blanche, pour l’humilier une scène plus loin. Si les films de Blaxploitation se déroulent fréquemment dans des environnements urbains, certains sont cuisinés à d’autres sauces, dont celle du western. En montrant son héros triompher des blancs, Tarantino inscrit son œuvre dans cette tradition. Mais si Quentin Tarantino aime à se délecter de ce type de cinéma, il en connaît les étroites limites. Le propos racial unidimensionnel dessert souvent ces productions dont l’intérêt purement mercantile n’est que rarement transcendé. Aussi l’accole-t-il à d’autres genres, le film d’amour dans Jackie Brown ou le western spaghetti dans Django Unchained. D’autant que la musique fait clairement référence à tout un pan de la culture afro-américaine, depuis le funk jusqu’au rap.
    On reproche au réalisateur de ne jamais se séparer de sa cinéphilie. Cependant même s’il reste fasciné comme un gamin par ces prédécesseurs, Tarantino est loin d’être un plagiaire. À l’inverse d’un Ridley Scott frappé par Alzheimer, ses références sont digérées pour construire un univers cohérent avec une dramaturgie fonctionnant à plein rendement.

    Que raconte Django Unchained d’ailleurs ? Simplement la quête d’une des nombreuses incarnations de « Django » à la recherche de sa femme prisonnière des enfers. Le film est à peine commencé depuis dix minutes que le réalisateur nous donne les clés pour comprendre ses intentions. Il transpose l’histoire de Siegfried ou, tout du moins une de ses variations, dans le cadre du western. Ainsi « Django », comme Siegfried doit-il traverser les enfers et combattre un dragon pour grimper au sommet de la montagne et délivrer Broomhilda (Kerry Washington). 

    L’adjonction du personnage de Schultz à « Django » ne fonctionne pas dans une transmission du savoir du type « du maître blanc vers son gentil sauvage ». Schultz n'utilise de paternalisme condescendant envers Django. Tout au plus lui donne-t-il les armes et lui enseigne-t-il à jouer un rôle qui lui permettra d’accomplir sa quête. Personnage égaré, issu de la culture germanique, à l’époque en plein essor, Schultz se situe en total décalage avec le monde qui l’entoure. Si Django demeure mutique durant la première heure, il faut comprendre qu’après avoir été battu comme du plâtre et avoir été métamorphosé en bien de consommation, il ne lui reste plus que quelques oripeaux épars de confiance en son prochain. L’association Django/Schultz commence comme par un échange de service, mais elle évolue en une profonde amitié. Schultz traite Django en égal, voire en un membre de sa famille. Ce résidu d’humanisme, inutile dans l’univers brutal du western, que porte en lui le chasseur de prime signera son arrêt de mort. 

    L’esclavagisme en Amérique et sa cohorte d'horreurs se transforment sous la caméra du réalisateur en un enfer ou l’hypocrisie de la civilisation dissimule la bêtise et sa compagne, la barbarie. L’utilisation des abominations d’une époque n’est qu’un outil narratif pour poser des barrières infranchissables à son protagoniste. Tarantino ne souhaite aucunement nous expliquer que l’esclavagisme c’est mal par une démonstration dramatique ! Il confie ce bourbier à d’autres [6] (dont Steven Spielberg qui avait déjà traité le sujet avec emphase et force séquences larmoyantes dans Amnistad). Tarantino compte sur la jugeote des spectateurs pour conserver à l’esprit qu'il réalise une fiction et non une reconstitution scrupuleuse. Les hectolitres de sang nous assurent que ceci est très exagéré.
    La violence, cet objet de détestation du cinéma de genre par les défenseurs du bon goût a toujours été pointé du doigt depuis l’apparition des premiers films d’horreur jusqu’à maintenant. Elle continue pourtant d’être l’objet d’un désir cynégétique de la part de nombreux cinéastes, dont certains très respectables.[6] En cinéaste chevronné, Tarantino s’en sert avec un art consommé. Sa connaissance des différentes méthodes utilisées dans sa représentation à l’écran lui permet de mêler deux niveaux de mise en scène. Le premier et le plus visible éclate lors des scènes de fusillades durant lesquelles les crânes et les corps explosent, balayés par des impacts surpuissants dans des gerbes de sang numériques hallucinantes. De telles hémorragies monstrueuses dédramatisent et théâtralisent les échanges de coups de feu, les métamorphosant en un ballet morbide exécuté avec maestria. Le deuxième niveau intervient à l'intérieur de deux scènes : le combat des « mandigos » et celle du dépeçage d’un pauvre bougre par des chiens enragés. Quentin Tarantino découpe ces actes de barbarie en flashs épars les épiçant de bruitages liquides immondes. Cette méthode relève de la suggestion, une approche efficace et terrifiante. Notre imagination aiguillée par l’enchaînement syncopé des gros plans construit une action bien plus redoutable que celle que pourrait visualiser le cinéaste en nous dévoilant tout (ce qui en outre ressemblerait à de la provocation gratuite et peu intelligente tout en banalisant des agissements inhumains). En procédant de la sorte, Tarantino nous envoie une note d’intention imagée qui dit ceci : « J’use de la violence comme outil narratif mais je ne m’octroie pas le droit de basculer du côté de la basse exploitation. » La violence réelle, ayant existé ou ayant pu exister, bénéficie d’un traitement elliptique qui la rend terrifiante à nos yeux. La violence de « Django » au contraire trouve ses racines dans le domaine du grotesque, du Grand-Guignol. Les hectolitres de sang la dédramatisent immédiatement. Nous savons que tout cela est impossible, qu’il s’agit d’un ballet épique qui nous soulage de ce que nous avons subi précédemment.

    S’il faut voir un propos politique dans ce film, il n’entre à aucun moment dans des considérations sur les rapports raciaux. Quentin Tarantino situe ces derniers rebondissements dans un enfer qui se nomme Candyland. Un nom de parc d’attractions pour suggérer que la folie et la bêtise se drapent dans d’hypocrites oripeaux de bienséances. Que l’enfer au quotidien modèle les hommes pour les métamorphoser en démons dociles qui règnent d’une main de fer sur le petit royaume que leur octroie dédaigneusement le maître des lieux. Dans la scène clé du film qui oppose ainsi Django et Schultz à Léonardo DiCaprio, le véritable dragon trouve son incarnation dans le vieux serviteur Stephen (Samuel L. Jackson), un personnage ingrat impeccablement interprété par Samuel L Jackson, un laquais enfermé depuis si longtemps dans son rôle que les vexations et les humiliations sont devenues la seule satisfaction de son existence. Stephen modèle ses comportements pour plaire à son maître et parfois le manipuler pour jouir de ses sautes d'humeur. 
    À ce moment de l’histoire, le réalisateur nous a suffisamment triturés pour qu’on soit sur ses gardes. Chaque phrase prononcée lors d’un interminable dîner se métamorphose en un duel plus violent que tous ceux auxquels nous avons assisté. Poussé à bout, Schultz finit par exploser et descend l’infâme Calvin Candie. Il libère la violence que nous avons accumulée pendant deux heures. La suite se situe en droite ligne d’une catharsis qui était attendue depuis longtemps. Le réalisateur ne nous ment plus sur sa manière classique de procéder. Tarantino s’est débarrassé des derniers oripeaux de sophistication qui hantait ses précédents opus pour nous faire croire à nouveau à une histoire simple.

    Alors, qu’en est-il des accusations de racisme ? Comme nous l’avons vu, le réalisateur a choisi son contexte en fonction des scènes qu’il voulait y mettre. Il a soigneusement balisé le terrain en nous faisant confiance pour pouvoir digérer cette époque et ces mœurs antédiluviennes, mais dont les spectres se sont enracinés dans les cervelets de n’importe quels êtres humains. Non, Django Unchained n’est pas une fiction raciste au sens où l’entendent ses détracteurs du Net qui veulent l'analyser au moyen d’une seule grille de lecture. Cette méthode demeure toujours réductrice des nombreuses idées qui traversent une œuvre.

    S’il fallait chercher une lecture idéologique au travail d’écriture de Tarantino, il reposerait en partie sur des personnages bien construits qui symbolisent chacun à leurs manières des tournures d’esprit différentes. Tarantino va s’échiner pendant tout le film à opposer deux individus isolés, le couple de déracinés Django/Schultz, capables de réflexion et de raison vis-à-vis de leurs entourages, à des brutes ignares dont le manque d’intelligence décidera de leurs perte. 

    Sous ses aspects de western sanguinolent, Django Unchained ne discute que de cela. Schultz et Django s’adaptent à leur monde de diverse manière tout en faisant preuve d'imagination et de panache, les personnages qui les entourent demeurent coincés dans leurs certitudes et leurs habitudes, incapable d’évolution. Ils ne voient pas d’autres ressources que les schémas comportementaux de leurs ancêtres. Ce sont tous des moutons de panurge qui ne savent pas se remettre en cause. 




    À ce titre, Stephen est emblématique puisqu’il représente une fonction et a laissé son humanité se fossiliser pour conserver son poste de petit dieu de son univers étriqué. Stephen constitue l’ennemi le plus important du film et sans lui le métrage aurait perdu de sa dimension complexe. Il renvoie à toutes les personnes qui ont aidé servilement l’oppression : par crainte du fouet, de la mort, puis par habitude et enfin par sadisme. Quant à Calvin Candie si celui-ci est éduqué il se fourvoie dans une fausse science, la phrénologie, tout en disposant d’une immense bibliothèque (symbole du savoir) qui ne lui sert que de décoration là où Schultz connaît les livres et leurs auteurs…
    En terminant sur une note cynique, l’image des deux esclaves qui restent dans leur cage malgré la porte ouverte, le film achève de démontrer que la plupart des hommes ont les plus grandes difficultés à se sortir des schémas que leur impose la société qu’ils s’approprient [7]. Qu’on ne s’y trompe pas, tous les personnages de cette histoire recèlent leurs parts d’ombre. Bien qu’ils possèdent un code de conduite, nos deux héros restent des loups pour leurs prochains de par l’activité qu’ils exercent. Schultz cherche certes à se racheter en assistant Django mais il pratique une profession qui parodie la justice. 
    Non, Django Unchained n’est pas un film qui se veut une réflexion sur l’esclavagisme ou la lutte des races, mais juste un conte de fées pour adulte qui démontre qu’entre la barbarie et la civilisation, il n’y a qu’une mince couche de vernis qu’il suffit de gratter pour révéler notre véritable et sombre nature. Un très bon film donc, au scénario efficace et qui, même sans forcément connaître tout le faisceau des influences de Quentin Tarantino [8] (On ne reproche pas à Martin Scorcese d’être lui aussi un recycleur d’image en puissance alors qu’il se réfère tout autant à ses prédécesseurs que Tarantino) possède une réalisation élégante, une photographie léchée et une narration sans faille.


     
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    [1] Ouvrage que je recommande chaudement à ce sujet, pourvu d'une iconographie exhaustive : Il était une fois le Western Européen de Jean-François Gire aux éditions Bazaar & co.

    [2] "Le genre devient intellectuellement stimulant lorsqu'il implique une codification rigide, une série de conventions contre lesquelles s'insurger. Établissons d’emblée les règles à dérégler puisque c'est souvent en dérogeant à un système établi que le film de genre produit son discours..." in Vies et morts du Giallo de 1963 à aujourd'hui dirigé par Alexandre Fontaine Rousseau pour Panorama Cinéma p. 22.

    [3] « l’Esprit Pionner » comme l’a surnommé Stephen King sur le ton de la plaisanterie dans son excellent essai Anatomie de l’horreur pour définir ce qui imprègne les fictions des années 50-60…

    [4] Je ne remets pas en cause l’excellence des films de Leone, mais son ombre gigantesque a enterré un peu vite des perles du cinéma de genre.

    [5] Western totalement barré et que je vous conseille fortement, cher lecteur…

    [6] Il y aurait de très nombreuses observations à faire à ce sujet, mais si un film idiot peut résumer le débat, Funny Game de Michael Haneke se pose là. Le cinéaste s’échine durant deux heures à exécuter une œuvre « dégoutante » tout en conservant une réalisation classieuse qui… enjolive les actes odieux de ses antihéros. Du cinéma prétentieux qui ne considère les productions horrifiques qu’en fonction de leurs définitions la plus primaire. Haneke ignore que la représentation de la violence dépend de plusieurs gradation graphique en fonction de l’effet voulu…

    [7] A ce sujet je pourrais disserter quelques temps de l’aliénation au quotidien. Du glissement sémantique qui c’est établi entre la dénomination chômeur et demandeur d’emplois ou dans le fait que ce sont les chômeurs qui doivent se vendre sur le marché du travail… En poussant pas trop loin le raisonnement on pourrait presque constater que le salariat prend la forme sournoise d’un auto-esclavage…

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